Jeunesse mélancolique

Jeudi dernier, le journal Le Point publiait une lettre ouverte, directement adressée au président de la République, par une jeune étudiante en histoire, Clara G. Cette jeune femme y expliquait qu'elle n'avait plus assez foi en son pays pour espérer y construire sa vie dignement, envisageant ainsi de s'exiler à l'étranger. Et force est de constater que de plus en plus de jeunes font ce choix [1].

Nous en avons parlé avec Delphine_D, qui pour exprimer son point de vue, a écrit un billet que je vous invite à lire avant d'entamer cette lecture. Je publie ici une humble réponse  à son argumentaire, faisant parler mon expérience personnelle.

Pour écouter parler les jeunes de ma génération, je puis affirmer que beaucoup sont nostalgiques d'un monde passé, celui de leurs parents et/ou grands-parents. J'irais même plus loin en disant qu'ils ont l'impression que leurs ascendants leur ont volé une période bénie ou tout semblait facile [2]. Qu'ils en ont profité sans penser à eux [3]. Ils en sont d'autant plus convaincus qu'ils entendent parler de ce temps dans des termes élogieux. On se garde bien alors de leur rappeler que tout n'était pas rose... Et je crois que la jeune Clara est dans cet état d'esprit quand on y regarde de plus près.

Cependant cet âge d'or, que les jeunes d'aujourd'hui croient indépassable, a, je pense, une origine singulière : la génération qui l'a prétendument créé n'avait eu pour seul modèle que le monde de l'après seconde guerre mondiale. Ecouter le récit de cette terrible période, a agi sur elle de manière cathartique et lui a apporté une motivation supplémentaire. Une motivation qu'elle a utilisée pour opérer des changements, parfois radicaux. Cela a conduit à l'élaboration d'un système qui, en apparence, semblait un modèle de paix et de prospérité, notamment économique.

Aujourd'hui, je pense que les jeunes n'ont pas cette motivation. Ou tout du moins, qu'ils ne l'ont plus. Qu'elle s'est égarée dans le temps.

Attention, je ne suis pas en train de dire qu'une guerre serait nécessaire pour repartir de l'avant. Je dis juste que cette aliénation du passé est terrible car elle empêche les jeunes de se plonger dans l'avenir, leur propre avenir. Cet attachement est tellement encombrant qu'il vire parfois à l'absurde, l'un des derniers exemples en date étant la participation de lycéens aux manifestations contre la réforme des retraites [4]. Notre modèle actuel se transforme alors en boulet dont la jeunesse n'arrive pas à se séparer, convaincue au plus profond d'elle-même qu'il est le meilleur. Que l'état providence représente l'idéal de société.

Et c'est là qu'est l'erreur selon moi.

Idéalement, une jeunesse devrait être capable de remettre en cause l'ordre établi, voire d'imposer [5] ses propres idées comme cela a déjà été le cas par le passé. Or, en France, je ne vois qu'une jeunesse étouffée par un monde qu'elle adore et haït tout à la fois. Peu de critiques émane d'elle, si ce n'est pour répéter les mêmes poncifs que ceux de Mai 68... Llus que tout, il est important de sortir de cette spirale infernale, d'ou ne sort qu'une pensée unique et stérile, qui donne, aux plus jeunes, la fausse impression, que le monde est figé et qu'ils doivent faire avec. Effrayante, cette perspective ne peut qu’accélérer le déclin de notre pays d'autant plus s'il fait fuir ses jeunes. Dès lors, il ne pourra plus envisager les changements qui sont, pourtant, indispensables à la sortie de cette crise économique et sociale.

Et ces changements ne pourront intervenir que par l'émergence d'idées nouvelles, décalées et subversives et leur enseignement par le plus grand nombre [6]. L'échange et le partage de ces idées ainsi que leur manipulation ouvrira de réelles perspectives à notre génération, lui permettant d'appréhender le réel de manière différente et de le plier à sa propre volonté.

Il nous faudra donc faire preuve d'audace pour aller au devant de ces idées. Pour créer l'avenir et non plus avoir peur de lui. La révolution des idées est en marche. Espérons que personne ne s'égarera en chemin...

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[1] J'en suis le parfait exemple.
[2] Je veux parler des Trente Glorieuses.
[3] "Un égoiste... Un homme qui ne pense pas à moi." Eugène Labiche (1815-1888)
[4] La réforme Woerth de 2010.
[5] Pacifiquement, cela va de soi.
[6] Au hasard, les idées libérales par exemple. Leur méconnaissance me frappe d'autant plus de nombreux auteurs libéraux sont français.

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