Les 4 R

Pourquoi donc 4 R, me direz-vous ? Cette lettre, constitue l'un des points communs de quatre personnages, qui ont, de par leur caractère et leur charisme, marqué en quelque sorte les années 80. N'étant pas vraiment en âge de voir leurs exploits à l'époque, je ne les ai redécouvert que plus tard à travers les traces qu'ils ont daignées laisser à la postérité.

Le président


Le premier que je vais évoquer est le seul qui ait véritablement existé. Il s'agit de Ronald Reagan, ancien acteur à Hollywood, reconverti en homme politique. D'abord proche des démocrates, "Ronnie" [1], anti-communiste patenté, radicalise peu à peu sa position et s'impose rapidement comme l'un des prophètes du mouvement libéral-conservateur américain [2], s'opposant à toutes les lois limitant les libertés individuelles en matière entrepreneuriat notamment. Après avoir soutenu la campagne infructueuse du républicain Barry Godwater en 1964, Reagan est choisi par le GOP [3] pour se présenter au poste de gouverneur de l'état de Californie. Élu,  il commence à mettre en place sa politique libérale [4]. Affrontant Nixon à l'investiture pour la présidentielle en 1968, il remporta finalement l'élection présidentielle douze ans plus tard, en battant le candidat sortant Jimmy Carter. Son slogan de l'époque, "America is back" va convaincre les électeurs américains qu'une autre société est possible et que le prospérité peut revenir. Partisan de la course à l'armement [5], il trouve en Margaret Thatcher, premier ministre britannique, un interlocuteur privilégié dans sa lutte contre l’interventionnisme de l'état [6]

Pendant les huit années qu'il passa à la Maison Blanche, Reagan influença grandement le retour des Etats-Unis au premier plan après des années 70 plus que difficiles tant sur le plan économique que sur celui de la politique étrangère. Tom Clancy, auteur américain, lui dédicacera l'un de ses livres, le considérant comme l'un des artisans de la chute du communisme, mettant ainsi fin à la guerre froide [7].

Le caméléon


Tom Clancy, justement. Il est le créateur d'un personnage emblématique de l'époque, Jack Ryan. Successivement lieutenant dans le Corps des Marines [8], broker chez Merrill Lynch [9], professeur d'histoire à l'Académie Navale d'Anapolis, il est recruté par la CIA dans les années 80. Il participe à plusieurs opérations de l'agence sous la supervision de l'amiral James Greer, le directeur adjoint aux renseignements. A son actif, on peut mettre la récupération d'un sous-marin de classe Typhoon [10], l'Octobre Rouge, l'échec de la tentative d'attentat d'un pape polonais [11] ou encore l'extraction d'un héros soviétique espionnant pour le compte des Américains.

Homme aux multiples talents, Ryan se retrouve propulsé bientôt président des Etats-Unis quand un avion japonais s'écrase sur le Capitole décimant tout le gouvernement américain. il se révèle alors brillant stratège en évitant une nouvelle guerre avec le Japon [12]. Témoin de la montée en puissance de la Chine, Ryan est l'archétype du serviteur dévoué et zélé. Intelligent,  incorruptible, mari et père modèles, il incarne une certaine idée de l'homme politique tel que le rêve encore l'Amérique et s'est montré encore récemment comme un recours fiable en cas de crise du pays [13].

Le vétéran


Dans la série des R, je demande le héros de guerre. On change ici de catégorie en passant du roman d'espionnage au film. Créé par Sylvester Stallone au début des années 80, John Rambo est un vétéran de la Guerre du Vietnam. Décoré de la médaille d'Honneur du Congrès, le jeune homme de retour au pays erre comme une âme en peine à la recherche de ses anciens camarades. Découvrant avec stupeur que la plupart sont morts, il atterrit dans une petite ville où il attire aussitôt le rejet de la population. Encore présent dans la mémoire collective, la blessure qu'est la défaite au Vietnam pousse la population à marginaliser les anciens combattants [14].

Malmené par le Shérif de la ville qui fait couler le premier sang [15], Rambo repart au combat contre ses habitants. Finalement raisonné par son ancien mentor, le colonel Trautman , Rambo se justifie en déclarant que "ce n'est pas sa guerre", signifiant par cette formule qu'il n'était qu'un soldat parmi d'autres appliquant les ordres du gouvernement [16].

La suite des aventures du soldat sont très cohérentes avec l'état d'esprit revanchard des années 80. Il est ainsi renvoyé au Vietnam avec l'objectif de retrouver et de libérer d'anciens soldats américains retenus prisonniers [17] avant d'aller participer à la rébellion contre l'occupant soviétique en Afghanistan [18]. Symbole là encore des années Reagan et des offensives réussies des Etats-Unis.

Le sportif


Je terminerai enfin par le dernier exemple de cet état d'esprit des années 80. Créé en 1976 par Stallone, - encore lui - le personnage de Rocky Balboa est l'incarnation parfaite du rêve américain. Enfant pauvre de la ville de Philadelphie [19], Rocky est fils d'immigrés italiens. Petit caïd de quartier travaillant pour la mafia, il pratique la boxe pour des cachets de misère. Son destin bascule le jour où il est choisi par le champion du monde des poids lourds, Apollo Creed [20], pour un match célébrant le bicentenaire de l'Indépendance [21] avec pour enjeu ultime, le titre de la catégorie. Bien que battu, Rocky reviendra plsu fort et déterminé et prendra sa revanche sur Creed. Invaincu pendant presque 6 ans [22], le champion se transcendera se distinguant de ses adversaires par son humanité et sa générosité. 

Egalement patriote, Rocky ira défier le russe Ivan Drago à Moscou devant tous les dignitaires du parti le jour de Noël 1985, afin de venger la mort Apollo Creed entre temps devenu son ami. Tout un symbole. Défaisant le champion russe, il s'attirera même la sympathie du public moscovite [23]. On peut y voir avec quelques années d'avance, la défaite de l'empire soviétique face au capitalisme américain et son idéal de liberté.

Bien qu'étant un personnage de fiction, Rocky reste une figure emblématique du sport tant et si bien qu'une statue a été sculptée en son honneur. Et encore aujourd'hui, il n'est pas rare de voir des touristes, de tous horizons, monter quatre à quatre les marches de l'escalier menant à l'Hôtel de Ville de Philadelphie.

A eux quatre, ces personnages raisonnent comme le symbole d'une Amérique qui fasse à son déclin, a su rebondir d'une certains manière. Reste qu'aujourd'hui, ces images semblent s'évanouir tranquillement au moment où l'administration Obama connait plusieurs problèmes tant sur le plan interne qu'à l'étranger...

Dédié à Frank L.

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[1] Il semblerait que ce sobriquet lui ait été donné par sa deuxième femme Nancy.
[2] Même si pour moi ce terme n'a pas vraiment de sens.
[3] Grand Old Party, surnom donné au parti républicain.
[4] Tout est relatif. L'une de ses premières décisions consista à augmenter les impôts pour équilibrer le budget...
[5] Il s'opposera à Thatcher sur le sujet. Cette course à l'armement symbolisé par la fameuse Guerre des Etoiles (aussi nommée IDS pour Initiative de Défense Stratégique) conduira à épuiser un peu plus le régime soviétique.
[6] Les deux politiques d'inspiration libérale sont très souvent évoquées conjointement.
[7] Dans son livre Sur Ordre, Clancy écrivit "à Ronald Wilson Reagan, quarantième Président des États-Unis, l'homme qui a gagné la guerre".
[8] Il fera une courte carrière dans l'armée étant blessé lors d'un déploiement.
[9] Il y fera fortune. Cette image n'est pas sans rappeler celle du golden boy, très courante en ce début des années 80. Le point d'orgue constituant assurément le personnage de Gordon Gekko dans Wall Street d'Oliver Stone sorti en 1987.
[10] La classe de sous-marin lanceur de missiles la plus imposante des Soviétiques.
[11] Directement inspiré de l'attentat contre le pape Jean-Paul II.
[12] Cet épisode préfigure quelques années avant les attentats du 11 septembre 2001.
[13] Jack Ryan reprend du service dans la dernière aventure de Clancy, Mort ou vif, sorti en 2011.
[14] A lire sur le même sujet l'histoire de Ron Kovic, célèbre auteur de Né un 4 juillet.
[15] Littéralement First Blood en anglais, titre du premier film sorti en 1982.
[16] La conscription était encore en vigueur à l'époque aux Etats-Unis.
[17] Rambo II : la mission, sorti en 1985.
[18] Rambo III, sorti en 1988.
[19] Ville non choisie au hasard puisqu'elle a été le lieu de la signature de la Déclaration d'Indépendance et de la convention chargée de la rédaction de la Constitution américaine.
[20] Le Maître du désastre, boxeur facétieux et adepte de la mise en scène (il n'hésite pas à entrer sur le ring déguisé en Oncle Sam). Il n'est pas sans rappeler le célèbre Mohammed Ali.
[21] Célébré en grande pompe le 4 juillet 1976.
[22] Selon la biographie fictive du héros.
[23] Scène finale de Rochy IV, sorti en 1985.

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